« C’EST LÀ QUE ÇA REJOINT ce que je disais sur les psy, quand elle m’apprend qu’elle est là-dedans, cette amère discipline, immédiatement ou presque, je la trouve au moins deux fois moins attirante et quasiment quatre fois moins belle !
Je fais vraiment pas exprès, c’est juste une sensation sur laquelle j’arrive pas à mettre assez de mots quand je l’observe jusqu’où je peux, en quelque sorte, dans l’esprit de mon âme peut-être.
Mais bon, pour le moment, c’est pas tellement la question. Rapport à l’amour, à l’âge et à la forme en général, de toute façon, il a bien fallu que j’essaie de moins revoir mes ambitions à la baise. Probable, c’est ça, sereinement foncer dans le mûr ? »
«JE SUIS DÉSOLÉ. Sarah vient de perdre son père. Je suis forcé d’annuler Turin. Je t’appelle demain. Je suis vraiment désolé. »
Ce voyage à Turin ne se présente pas sous les meilleurs auspices mais elle décide de partir, seule, sans son amant.
De musées en terrasses de café, d’églises en promenades le long du Pô, le séjour se transforme, peu à peu, en voyage intérieur.
Elle s’interroge sur sa vie. Que dit de nous une histoire adultère ? Pourquoi on se sépare du père de son fils et comment on élève, seule, un enfant ?
Peut-être que, sur le quai d’une gare, elle trouvera une réponse.
« Esther X. a décidé de se nourrir de sperme et de sang. Dans les toilettes d’un bar, elle trouve plusieurs hommes très heureux de la sustenter, jusqu’à ce qu’elle en morde un très profondément à l’oreille. Sans le savoir, il aura frôlé le pire. »
« Désespéré par l’inconduite de sa petite amie, Loïc Y. absorbe cinquante comprimés de somnifère. On le sauve. Cent comprimés. On le ranime. Deux cents comprimés, on le ressuscite. Quand ça veut pas, ça veut pas. »
Clin d’œil appuyé aux Nouvelles en trois lignes de Félix Fénéon, ce recueil d’observations saisies sur le vif ouvre une fenêtre sur des mondes intérieurs chamboulés par la souffrance ou la maladie psychique. On n’y trouvera pas la pierre de folie, mais la matière de destins ici tragiques, là cocasses, partout émouvants.
Emmanuel Venet exerce la psychiatrie en milieu hospitalier depuis le milieu des années quatre-vingt. Il est l’auteur, entre autres, de Marcher droit, tourner en rond, paru aux éditions Verdier.
ON A OUVERT LES PORTES. Rien n’empêche plus ces hommes et ces femmes de quitter le camp. Ils sont libres. La plupart restent là pourtant, espérant l’arrivée d’hypothétiques camions. Quelques autres, sous l’impulsion du robuste Garri, entreprennent de partir à pied. Il s’agira pour eux de rejoindre les plaines du Nord-Est, là où il se pourrait que tout soit encore comme avant, et qu’une vie nouvelle puisse s’y reconstruire. Enfin, cela reste à vérifier.
En tout cas, avant cela, il faudra bien franchir les longs plateaux, les villages dévastés, et surtout, la barrière redoutable des hautes montagnes... Nord-Est est le récit d’une expédition, aux ressorts profondément humains, entre fable et western métaphysique. Par les obstacles, les drames, les espoirs qui lui sont inhérents, cette progression collective pourra aussi faire écho, de manière allégorique, à la pluralité et à l’entrelacs des territoires géographiques et intimes, des héritages historiques, des trajec- toires migratoires.